Les Cahiers de Martine

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Ma découverte de l'Afrique

L'Afrique !

C'est depuis l'âge de 8 ans que j'ai commencé à rêver de partir en Afrique !

Les récits de nos amis missionnaires qui séjournaient à la maison durant leurs congés n'étaient certes pas étrangers à la passion qui m'animait pour TOUTE l'Afrique !

 

Mais je crois sincèrement - même avec le recul des années passées - que c'est beaucoup plus qu'un attrait, qu'une curiosité et encore moins d'une envie d'évasion qui  m'ont amenée à quitter mon pays à l'aube de mes 19 ans !

 

Je suis persuadée que l'Afrique était ma destinée, "mon pays", celui que j'avais intégré dans ma tête et dans mon coeur bien avant de l'avoir découverte. Oui je parle de l'Afrique comme d'un pays... et non je ne l'ignore pas, c'est un très vaste continent composé d'une immense diversité cultuelle, artistique, économique, sociale et culturelle. Toutefois, dans mon coeur "L'AFRIQUE" ne fait qu'un. Certes, je n'en ai traversé qu'une infime partie du Nord au Centre Est.  Mais du débarquement à Ceuta (Maroc) jusqu'à ma brousse tchadienne - en passant par l'Algérie, le Niger, le Nigéria, le Cameroun, et plus tard transitant au Sénégal, traversant la Côte d'Ivoire avant de parcourir les pistes rouges du Burkina Faso, je me suis toujours sentie "parmi les miens" !

 

Alors non, je ne retire en rien la diversité et l'individualité de chaque nation africaine, en parlant d'elle avec ses divisions, ses particularités et ses distinctions, comme d'une seule famille ! Et je ne pense pas que les Africains m'en voudront ! Si c'était le cas, ne manquez pas de me le dire, je rectifierai le ressenti de mon coeur encore si ignorant !

 

L'Afrique ce si vaste continent !

 

Les frontières de l'Afrique du Nord et de l'Ouest ont été une première découverte pour la jeune femme que j'étais.

 

J'ai traversé des villages, formés de peuples littéralement "coupés en deux" par une ligne tracée sur un bout de papier, dont certaines familles ont été séparées à vie en subissant tous les travers de la politique et d'une géographie aussi injuste qu'insjustifiée !

 

Serait-ce l'absence de ruisseaux, de rivières et de fleuves qui aurait "justifié" ce partage honteux entre terres colonisées par les puissants d'un autre temps mais encore si présents (!?)...

 

Quand je pense aux communes dans lesquelles j'ai grandi, entre les méandres de la Seymaz, ce ruisseau presque à sec en été qui marquait un territoire partagé entre Chêne-Bourg et Chêne-Bougeries... La Seymaz ne s'écoule pas en ligne droite et serpente encore aujourd'hui entre nos deux communes... De multiples petits ponts l'enjambent même si les gamins d'autrefois la traversaient à pied.

 

Pourquoi l'Afrique a-t-elle dû hériter d'un traçage rectiligne, faisant fi de ceux qui peuplaient ces régions SANS frontières, bien avant l'arrivée des colons ? 

 

Tant de pourquois ont jalonné ma vie en Afrique, Terre de contrastes !

Tant de questions qui ne trouveront pas de réponses, mais autant d'occasions de grandir sans avoir une explication à tout, feront de ma découverte de l'Afrique une phase clé de mon éducation personnelle, d'une certaine forme d'affranchissement de notre héritage cartésien qui voudrait tout comprendre, tout analyser et tout expliquer...

 

Le Pont de mon enfance

 

Partie de Chêne-Bourg à l'automne 1968, au volant de notre 4L avec mon premier mari, en route pour Gibraltar avant "d'attaquer" la grande traversée du désert.

Jamais l'image du dernier signe de la main de mon père et sa silhouette qui s'estompait dans la brume d'automne ne me quittera !

Il nous avait suivis en vélo moteur jusqu'à la Douane de Vallard, frontière voisine de notre commune, pour s'assurer que le gros chargement ne soit pas source de blocage pour entrer en France que nous allions traverser d'Est en Ouest vers l'Espagne avant d'embarquer à Gibraltar pour entrer en Afrique du Nord par le Maroc.

 

Je ne peux relater en détail cette première partie de voyage, sinon que l'aventure ne faisait que commencer avec un chargement dépassant de 150 kg la capacité de notre petite  voiture. Déjà sur les routes goudronnées, les virages, montées ou descentes nous posaient quelques problèmes. Le seul récit de ce voyage prendrait un livre de plus de 100 pages... alors je vais me contenter de résumer le sentiment qui ne m'a jamais quittée tout au long de notre avancée sur terre africaine.

 

En réalité et avec la plus grande lucidité, je ne peux que redire ce que j'écrivais à mes parents : J'ai l'impression d'entrer en pays connu. Je suis "chez moi". Je ne me sens pas étrangère, seule ma peau blanche me rappelle ma différence... Je n'avais alors que 19 ans... et des décennies plus tard je ressens la même chose lorsque j'arpente mon île adoptive, la Guadeloupe où ma couleur de peau fait encore et toujours LA différence avant même que j'aie ouvert la bouche pour articuler quelques mots de créole (!)...

 

Etait-ce le fait d'entrer en Afrique par la route ? De ne pas avoir vécu le choc d'un atterrissage par avion, sans aucune transition ?

Etait-ce le fait d'avoir vu tellement de diapos, de films super8, et lu des récits de plusieurs auteurs, que l'Afrique m'est apparue immédiatement comme étant MON PAYS ?

Peut-être. Je l'ignore, mais j'avoue que j'en doute ! Pour moi aujourd'hui encore : L'AFRIQUE FAIT PARTIE DE MOI-MEME !

C'est comme si elle avait été inscrite dans mes entrailles dès ma naissance.

C'est comme si j'avais été "créée pour elle"...

 

Alors oui, ce chapitre sur ma découverte de l'Afrique va prendre encore beaucoup de temps, beaucoup de lignes, beaucoup de pages, car je n'en ai pas fini avec elle, mon coeur brûle de passion encore à l'heure où j'écris ces lignes, en ce 30 juillet 2016.

Mon âme pleure encore de ne pouvoir y vivre ou du moins y retourner.

 

A partir du moment où j'ai traversé la frontière entre l'Agérie et le Niger, à partir du moment où le sable du Sahara a commencé à faire place à quelques brindilles de végétaux desséchés et épineux, à partir du moment où je suis entrée dans la petite ville d'Agadès pour une première escale de quelques jours : j'étais arrivée !

Le Niger n'était pas ma destination, mais j'étais déjà chez moi !

 

Puis le Nord du Nigéria, pas encore sorti du conflit avec le Biafra, les barrages de police étaient encore en place et très fréquents tout au long de notre traversée vers le Cameroun ! Pourtant je n'avais pas peur. Seule la conduite à l'anglaise, (à gauche) me perturbait et peut-être encore l'anglais que je ne maîtrisais pas...

Cliquer sur historique

 

Une fois au Cameroun, c'est comme si j'étais à la maison... Depuis les policiers, douaniers aux commerçants : Avec tous je me sentais à l'aise. 

Leurs rires, leurs regards amusés en voyant tous ces blancs chargés de bagages, faire route jusqu'au sud du Tchad en provenance de Genève les intriguaient... ils avaient de quoi :  

Nous étions six européens à bord de deux véhicules, dont un français, un espagnol, un suédois, une hollandaise, une allemande et une suissesse... six passeports différents écrits en autant de langues... De quoi en perdre leur Non ?

 

Enfin arrivés à destination dans un tout petit village coupé du reste du monde par le fleuve Logone, qu'il fallait traverser et dont l'accès de l'autre rive ne ressemblait guère à notre pont du Mont-Blanc...   Pont du Mont-Blanc    

... dès que j'ai compris que nous étions en pays M'boum avant d'arriver chez les Lakas, mon coeur a fait boum !!! 

 Le Logone

 

J'ai encore dans la mémoire de mon coeur les voix des enfants qui chantaient notre bienvenue tout en s'accrochant à la 4L et criant "lapia - lapia - lapia"... ce qui pourrait se traduire librement par "BIENVENUE", mais peut-être davantage par un salut rempli de joie et de reconnaissance... rien qu'en écrivant ces lignes 47 ans après... mes tripes se nouent comme si j'y avais laissé l'être le plus cher de ma famille !

 

Et oui, c'est bien de cela qu'il s'agit : L'AFRIQUE c'est ma maison, ma famille, d'Est en Ouest - du Nord au Sud !

 

Et même si ce petit coin perdu du Tchad n'a représenté qu'une très (trop) courte période de ma vie - et assurément pas la plus facile. Même si le Burkina Faso en a comblé le vide laissé, même si je n'ai plus aucun moyen de vous contacter, j'aimerais tant pouvoir retrouver ceux avec qui nous avons servi dans les larmes comme dans les rires et leur dire :

- Philippe, Samuel, Etienne, Siméon et tous les autres : la vie nous a séparés, les circonstances nous ont éloignés, mais vous n'avez jamais été effacés de la mémoire de mes entrailles !

 

Jamais je n'oublierai votre compassion lorsque je souffrais, vos prières et votre soutien lorsque nous n'avions même plus de quoi manger... nous les "petits blancs" un peu largués. Jamais je n'oublierai vos épouses, promptes à nous offrir le peu de farine de mil fraîchement pilée, tandis que nous avions faim... Si discrète, craintive face à la "blanche" que j'étais à leurs yeux. Dans l'impossibilité de dialoguer dans votre langue, je ne pouvais leur dire que je n'étais encore qu'une adolescente larguée et naïve !

Jamais je n'oublierai la saveur des champignons de brousse qui ressemblaient à nos chanterelles, que ton épouse, Samuel nous avait fait envoyer par une enfant à peine plus jeune que moi...

Jamais votre amour et vos efforts pour nous distraire de vos rires généreux ne me quittera !

 

Bien trop vite, 6 mois après notre arrivée j'ai dû vous quitter brutalement pour des raisons de santé sans pouvoir revenir à cause des multiples autres "problèmes de blancs", et c'est l'âme en peine que je repasse tout cela dans mon coeur.

 

Mon envol du Tchad a été aussi épique que la traversée du désert. 

C'est à bord d'un vieux coucou laissé par l'armée française, un DC3 branqueballant, que j'ai vu Baïbokoum disparaître de mes yeux mais pas de mon coeur.

 

Lorsque 6 ans plus tard j'y suis revenue par la route pour un bref séjour de 2 mois avec mes deux fils, je vous ai quittés cette fois pleine du rêve d'un au revoir possible.

 

Mais les événements de la vie publique, politique... et tous ses hics, ont rendu ce rêve impossible.

 

 Qu'êtes-vous devenus ?

Qu'est devenue notre affection ?

Où sont passés nos rires et nos espoirs ?

 

Un jour, nous nous retrouverons tous réunis - sans jamais plus de larmes ni de séparation !

A Dieu mes amis, ce n'est véritablement qu'un AU REVOIR !

 

********

 

 

1969 - SUITE et nouveau départ...

 

Après trois mois de retour à Genève, le médecin ayant décrété que les symptômes de la maladie qui m'a rapatriée en Suisse ne m'interdisaient pas de repartir, c'est avec une autre équipe européenne que nous sommes repartis vers la Haute-Volta.

 

Cette fois-ci, c'est par bateau que nous avons accosté sur la Côte d'Ivoire, avant de prendre la route et le rail pour monter vers Kaya au Sud du Sahel…

Kaya    Boulsa   Dori    

 

Cette nouvelle équipe est formée d'une dizaine de jeunes, dont trois célibataires et 3 couples en attente de leurs premiers enfants, dont je suis. Entourés de nos mentors avec leur fille adolescente.

 

Le projet était intéressant, ce couple d'anciens missionnaires expérimentés avait à coeur de fonder "une école de missionnaire" sur terre africaine, afin de former de jeunes européens sur place, en situation réelle. Ce projet nous avait particulièrement accrochés après 6 mois ponctués d'un échec cuisant, faute de formation de nos implanteurs.

 

Et même si ce projet n'a pu aboutir, les 9 mois qui ont suivi ont été une belle découverte de ce pays dont on ne parlait pas tant en ces années-là. Aujourd'hui le Burkina fait parler de lui - et ça me réjouit grandement ! - par de nombreuses ONG qui y sont présentes, diverses missions qui y travaillent et même des gouvernements internationaux ! Tous y développent de beaux projets pour ce pays africain sur lequel repose une faveur particulière.

 

A la queue de la liste des pays les plus pauvres du monde en 1969, aujourd'hui je pense qu'il serait possible de la placer à la tête d'une liste des pays africains les plus prometteurs. Pauvres, il l'est toujours. Financièrement parlant. Mais tellement riche en potentiel, en qualité humaine et en constante progression sur tous les niveaux, mais en particulier dans le domaine que je connais le plus : celui de LA FOI EN DIEU !

 

Puis-je parler de ma patrie adoptive, sans évoquer sa foi ?

Puis-je parler de mon pays de coeur, sans évoquer sa grandeur d'âme ?

Puis-je vous présenter le Burkina Faso, sans souligner la somme de grâce divine qui repose sur ce pays ?

 

Je vais essayer de *juste rester sur terre* et de laisser le divin parler de lui-même...

 

Ma patrie bien-aimée : 

De Dori à Banfora, j'ose affirmer t'avoir passionnément aimée.   BOROMO     Banfora

De Kaya à Boulsa, traversant Yako vers Ouaga, Koudougou, Boromo ou Bobo, je ne saurais taire l'amour que j'ai pour toi !

 

Laissez-moi sortir des sentiers battus, des routes aujourd'hui goudronnées pour vous dire combien de morceaux de mon coeurs sont éparpillés entre Poura et Brédié, en passant par Fara et Ton.

Et oui, comme autrefois, la batterie du "camion" ne peut que s'arrêter à Pompoï avant de continuer sur Konkolido.

Un stop s'imposera toujours à Ouri et Sibi et même à Sikako (...), avant de rentrer chez moi à Boromo !

 

La seule évocation des noms de vos villages font fondre mon coeur, comme la neige de nos hivers au soleil du Sahel !

 

Autant de clichés, de photos instantanées pourraient animer ces lignes pour en laisser percevoir la joie d'avoir vécu parmi vous.

 

Une galerie photographique entière demeure gravée dans mon coeur, consacrée à chacune de vos cour, sous vos arbres distillant leur fraîcheur tandis que la chaleur de votre amitié gonflait mes poumons d'oxygène et de bonheur !

 

Comment décrire l'inexprimable  ?

Comment transcrire à ceux qui ne vous connaissent pas le bonheur d'avoir fait partie de vos vies ?

 

Je crains ne jamais parvenir à le faire et je me demande si je ne ferais pas mieux de me taire...

Pour ce soir du moins...

30 juillet 2016/martine

 

 

 

 

 



30/07/2016
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